martes, mayo 11, 2004

Couverture médiatique des "armes de destruction massive"


Aux Etats-Unis, l’université du Maryland recale les médias britanniques et américains pour leur couverture de la question des Armes de Destruction Massive

Une étude publiée par un centre de recherche en stratégie et politique étrangère américaine, le Center for International and Security Studies (CISSM) de l’Université de Maryland, portant sur la couverture médiatique des « armes de destruction massive » par la presse aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, analyse les mécanismes suivant lesquels de très nombreux journalistes se seraient comportés en simples « sténographes » de l’administration Bush, participant ainsi à entretenir la confusion au sein du public.

Le 9 mars 2004, Susan D. Moeller, chercheur au Philip Merrill College of Journalism, a rendu public un rapport de 93 pages dans lequel est méthodiquement étudié, de façon comparative, le contenu de la couverture médiatique américaine et britannique au cours de trois périodes pendant lesquelles les sujets d’actualité en rapport aux « armes de destruction massive » » étaient particulièrement nombreux : mai 1998 (période pendant laquelle l’Inde et le Pakistan rivalisaient d’ardeur dans la démonstration de leur maturité nucléaire), octobre 2002 (époque à laquelle l’Irak et la Corée du Nord étaient très présents dans les médias) et mai 2003 (suite à l’invasion de l’Irak). L’auteur porte son analyse sur six journaux et magazines américains (The Christian Science Monitor, The Los Angeles Times, The New York Times, The Washington Post, Newsweek et US News&World Report) et trois journaux et magazines anglais (The Daily Telegraph, The Guardian et The Economist) ainsi que sur différents programmes d’information de la National Public Radio (organisation privée à but non lucratif fournissant bulletins d’information et émissions de divertissement à plus de 750 radios indépendantes aux Etats-Unis).

Susan D. Moeller, qui souligne que l’acceptation générale d’une représentation fausse de la réalité est de la responsabilité de chacun, met toutefois en évidence celle des médias, en relevant particulièrement leur incapacité à adopter un point de vue critique face aux manœuvres rhétoriques de la Maison Blanche associant abusivement « guerre contre le terrorisme » et « chasse aux armes de destruction massive ».

L’auteur note un effort de recherche plus poussé chez les journalistes anglais que chez leurs confrères américains mais elle observe qu’en général :
Les médias eurent tendance à reprendre l’ordre du jour mis en avant par l’administration ainsi que le cadrage officiel des évènements. Rares furent les évocations de politiques alternatives aux logiques de « guerre préventive » et de « changement de régime ». Tout aussi rares furent les tribunes accordées aux opposants à cette ligne officielle.
Les médias reprirent à leur compte le terme d’ « armes de destruction massive » sans chercher à faire ressortir les différences de dangerosité et d’accessibilité des différentes armes. Cette tendance participa à renforcer ce que l’auteur identifie comme le « modèle rhétorique d’imprécision » de la Maison Blanche.
La concentration de la couverture médiatique sur les affaires nationales eut pour conséquence de renforcer l’effet de psychose nationale et de masquer les dangers encourus par les populations étrangères.
Peu de médias purent résister à la tentation de relayer, sans la remettre en question, la vision apocalyptique et sensationnelle que l’administration Bush entretenait en développant l’idée d’une menace de destruction massive dont la charge émotionnelle aurait été utilisée pour persuader et impressionner le public.
Par ailleurs, les communiqués émanant de l’administration Bush ne citaient que très rarement leurs sources. La tâche de vérification des informations n’en était que plus ardue. Le respect implicite des conventions correspondant aux annonces non officielles, "off-the-record" soumettait les journalistes à un rapport de confiance équivoque.

Selon Susan D. Moeller, plus que le résultat d’un parti pris idéologique ou de connivences politiques, la piètre qualité de la couverture médiatique peut s’expliquer par le fonctionnement interne des médias : dépendance face aux sources officielles, schématisation dans des contextes d’urgence, chasse au scoop, sensationnalisme et écriture journalistique suivant la technique de "la pyramide inversée", ayant pour effet de mettre en avant les protagonistes et points de vue officiels).

Artículo completo en Observatoire Francais des Medias

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